Apprivoisez votre mental pour être plus performant – Synthèse du webinaire du 30 mai et ressources complémentaires
Comment se fait-il que parfois - pour ne pas dire souvent - il soit si difficile de réussir à faire ce qu’on aimerait faire ou d’arrêter ce qu’on ne veut plus faire ? Et qu’est-ce qui peut nous aider à faire mieux ? Notre proposition de réponse : apprivoisez votre mental ! C'est le thème lors de la conférence en ligne que j’ai donnée sur Webikeo, en prolongement de notre premier webinaire "Et si vous osiez briller ?".
Vous pouvez la revoir en différé via ce lien.
En voici les points clés ainsi que des liens vers quelques ressources.
La route vers le succès n'est pas un long fleuve tranquille…
La route vers le succès nous invite à relever quelques défis sérieux. Parmi ceux-ci :
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S'adapter à des univers de + en + changeants et complexes
- Concevoir ou développer plus vite des produits ou des services innovants…
- Faire évoluer nos organisations lorsqu’elles manquent d’efficacité
- Développer notre business, nos réseaux, nos relations
- Recruter, organiser et fidéliser les meilleures équipes
- Aller jusqu’au bout de nos décisions avec persévérance et souplesse…
Cette route est hélas loin d’être un long fleuve tranquille et cela se concrétise souvent par des :
- Délais dépassés
- Budgets explosés
- Résultats commerciaux insuffisants
- Problèmes au sein des équipes
- Clients mécontents
- Concurrences disruptives
- Changements de règles…
De grands moments de solitude
Pour beaucoup d’entre nous, cela entraine de grands moments de solitude. Car, en fait, nos plus grands obstacles sont en général internes :
- Manque de confiance
- Procrastination
- Divergences de vue
- Conflits
- Incohérences
- Stress, découragements, digressions…
- Sentiment d'insécurité
- Peur du jugement
- Gêne face à l’auto-promotion
Maigre consolation, mais ça fait du bien quand même : il n'y a pas qu'à vous que ça arrive ! C’est ce que montre entre autre une étude d’Ipsos sur le bien-être des Français (2015). On y voit, par exemple, que seuls 14% des Français déclarent réussir à s’épanouir dans tout ce qu’ils font au quotidien (scores ≥ 8/10).
Pourquoi nous ne nous tenons pas à nos décisions
Comment se fait-il que nos décisions ne se passent-elles pas comme on le souhaite ? Pourquoi on ne parvient pas à faire ce que nous avons décidé de faire ? Parce que notre mental n’en fait souvent qu’à sa tête. C’est dommageable pour nos vies individuelles, et encore plus pour notre vie collective, puisque cela semble même mettre en péril la survie de l’humanité. La réponse nous vient de la science qui nous montre à quel point notre cerveau est modulaire. Des entités mentales provenant de différentes phases de l’évolution ayant mené à l’existence de notre espèce d’homo sapiens sapiens cherchent à prendre des décisions pas forcément concertées ou cohérentes. Certains modules recherchent plutôt la sécurité, d'autres, la nouveauté ; certains visent des bénéfices à long terme, d'autres à court terme. Nous voulons être en forme le matin et continuer à regarder « encore un seul épisode » de notre série favorite la nuit qui précède.
Responsables mais pas coupables
Nouvelle consolation : nous ne sommes donc pas coupables des inconsistances de nos décisions. Et nous en sommes malgré tout responsables (capables de réponses), ce qui nous donne la possibilité d’apprendre à fonctionner autrement. En effet, lorsque nous prêtons notre attention à un module en particulier, il semble que nous augmentions son pouvoir. Si on ne cède pas à la pression de celui-ci, ou si nous tournons notre attention vers un autre module, le premier pourrait perdre son influence sur nous. On peut donc changer le cours des choses. Mais ça ne se passe pas si simplement. Tiraillé entre tous ses modules, notre cerveau est comme un animal sauvage. Il va donc nous falloir apprendre à l'apprivoiser… Voici quelques propositions en ce sens.
Apprendre à se parler avec bienveillance comme un ami
Nous faisons tous, ou presque, l’expérience du « critique intérieur ». Une voix nous parle et nous abreuve de remarques désobligeantes, de reproches pour tout ce que nous ne faisons pas bien ou des injonctions sévères pour tout ce que nous « devrions » faire et que nous ne faisons pas. Pour changer cela, nous pouvons entrer en relation avec nous-même et apprendre à dialoguer avec cette fameuse voix intérieure, pour faire en sorte qu’elle soit davantage bienveillante que critique. Nous pouvons par exemple imaginer comment un ami nous parlerait. Nous voyons alors que cela génère en nous et autour de nous un nouveau climat de sécurité psychologique, de sérénité et de performance, qui nous met en meilleure condition pour faire face à nos défis les plus importants.
Ce n’est pas une démarche de bisounours !
Lorsque je parle de bienveillance dans les milieux professionnels, on me dit souvent que je suis « gentil » mais que le monde de l’entreprise, c’est pas fait pour les bisounours. Pour être honnête, je pensais cela aussi, jusqu’à ce que je découvre des recherches qui prouvaient le contraire. Une des plus marquantes nous vient de Google, à travers son projet Aristote. Charles Duhigg a écrit un superbe article sur le sujet dans le NY Times.
Google a étudié pendant de longues années les caractéristiques des équipes les plus performantes. Ils l’ont fait « à la Google », c’est à dire avec de gros moyens et beaucoup de rigueur, et en mode multidisciplinaire (sociologie, psychologie, histoire du management… - Visitez le site Google re:Work pour en savoir plus). Cela leur a permis d’apprendre que les meilleures équipes ne sont pas forcément celles composées des meilleurs individus, ou celles où les relations sociales entre les personnes sont les plus fortes, ou celles où les managers sont les plus rigoureux. Non, au bout du compte, la caractéristique identifiée comme la plus déterminante, et de loin, est la sécurité psychologique. Celle-ci a été étudiée en profondeur par la chercheuse américaine Amy Edmondson.
Qu’apporte la sécurité psychologique ?
Lorsque la sécurité psychologique règne dans une équipe, ses membres se sentent en sécurité pour prendre des risques et se montrer vulnérables devant les autres. On a le droit de montrer nos limites, nos imperfections, bref, notre humanité commune. Concrètement, cela se traduit par exemple par le fait que :
- Si vous faites une erreur dans cette équipe, cela n’est pas retenu contre vous.
- Les membres de cette équipe sont capables de soulever les problèmes et questions difficiles.
- Ils ne rejettent pas les autres parce qu’ils sont différents.
- Prendre un risque est sans danger dans cette équipe.
- En travaillant avec les membres de cette équipe, vos compétences et talents uniques sont valorisés et utilisés au mieux.
- Il est plutôt facile de demander de l'aide à d'autres membres de cette équipe.
- Personne, dans cette équipe, n’agit délibérément d'une manière qui porte atteinte à vos efforts.
Pour créer cette sécurité psychologique, une qualité est partagée entre les membres : la bienveillance. Et celle-ci ne peut exister sans bienveillance envers soi-même, car nous ne pourrons accepter les imperfections des autres si nous refusons de reconnaître les nôtres. On est tous l’autre de quelqu’un d’autre ! (Lire cela dans un article nommé "Ce que l'autre m'apprend de moi" publié ici).
Une démarche pour explorer les bienfaits de l'auto-bienveillance
Je développe largement le thème de l'auto-bienveillance dans mon livre "Mon meilleur ami... C'est moi - Eloge et mode d'emploi de l'amitié avec soi-même". Et voici déjà une démarche intéressante pour en découvrir les bienfaits. Elle consiste à comparer ce que nous ressentons lorsque « le critique impitoyable » nous parle ou lorsque nous entendons les paroles et le ton d’un ami bienveillant. Prenez un instant pour explorer la différence d’impact sur vous entre ces deux approches.
- Dans un contexte récent de difficulté personnelle, rappelez-vous des messages de votre critique intérieur.
- Comment vous sentez-vous quand vous entendez de telles critiques ?
- Imaginez maintenant les paroles d'un vrai ami
- Comment vous sentez-vous ?
- Que préférez-vous ?
Deux propositions complémentaires
Deux autres propositions pour apprivoiser notre mental ont été faites pendant la conférence :
- Renforcer notre capacité de décision en allégeant la charge de notre « mémoire de travail ». Des travaux montrent en effet que, lorsque cette charge est importante – par exemple, lorsque nous pratiquons le multitâche, notre capacité à nous autoréguler diminue[3]. Pour cela, j’ai proposé deux approches : la méthode « pomodoro » et le "Temptation bundling"[4] Celle-ci nous invite à associer à ce qu'on doit faire et qu'on n'aime pas faire, des choses qui nous plaisent.
- Calmer l’amygdale limbique par la voie du nerf vague, activé par la respiration abdominale consciente.
Apprivoiser notre mental est loin d’être chose aisée. Et c’est une clé déterminante de toute vie réussie. D’ailleurs, ne serait-ce pas le travail d’une vie ? Vos commentaires seront appréciés. Merci d’avance.
Avec enthousiasme,
Pierre
Voir par exemple les théories de Robert Kurzban – Why everyone (else) is a hypocrite
[2] Amy Edmondson - Psychological Safety and Learning Behavior in Work Teams
[3] Hofmann et al. Working Memory Capacity and Self-Regulatory Behavior: Toward an Individual Differences Perspective on Behavior Determination by Automatic Versus Controlled Processes
[4] Katherine Milkman / Université de Pennsylvanie