Zéro- déchets de temps
Oui, c’est cela, mon cher Lucilius, revendique la possession de toi-même. Ton temps, jusqu’à présent, on te le prenait, on te le dérobait, il t’échappait. Récupère-le, et prends-en soin. La vérité, crois-moi, la voici : notre temps, on nous en arrache une partie, on nous en détourne une autre, et le reste nous coule entre les doigts. Mais il est encore plus blâmable de le perdre par négligence. Et, à bien y regarder, l’essentiel de la vie s’écoule à mal faire, une bonne partie à ne rien faire, toute la vie à faire autre chose que ce qu’il faudrait faire.
Cet extrait de la célèbre Lettre à Lucilius de Sénèque - penseur visionnaire - n’a pas pris une ride. Non, pas une. En effet, qui peut dire aujourd’hui qu’il fait exactement ce qu’il se sent appelé à faire ? Ce pour quoi il se sent fait… Et qui a, en plus, l’impression de bien le faire ? Très peu de gens. Dans mon entourage, je crois que je peux les compter sur les doigts d’une seule main.
Pas une ride, non.
Au fond, c’est vrai. Combien de fois ne me dis-je pas que je manque de temps pour faire ce que j’ai réellement envie de faire. Pas le temps de faire ce à quoi j’aspire au fond de moi. Entre essayer de gagner de l’argent, m’occuper de mon appart, tenter d’être une mère honorable, regarder des séries qui n’en finissent jamais sur Netflix, perdre du temps sur les réseaux sociaux... il me reste quoi?
Plus de choses que tu le crois mon cher enfant, et des choses certainement plus essentielles !
Et vous?
N’avez-vous jamais eu cette impression de gaspiller une bonne part de votre temps à ne pas faire ce qui vous importe ? Je veux dire, ce qui est très, très important pour vous, à l’intérieur de vous. N’avez vous jamais eu l’impression que le temps passe sans que vous ayez réellement prise sur lui ? Les journées filent avec ce sentiment de ne pas avoir fait tout ce qu’il fallait, ou pas ce qui vous importait... Avec le regret d’avoir encore reporté à plus tard, à demain, à la semaine prochaine… Aaah, procrastination, quand tu nous tiens... Peut-être que nous ne savons tout simplement pas ou plus ce qui est important pour nous?
Carpe diem
Carpe diem ! C’est cliché ? Mais n’y a-t-il pas souvent une part de vérité dans les clichés ? Notre temps est précieux, on le sait par coeur. Alors pourquoi lui accordons-nous si peu d’importance ? Pourquoi acceptons-nous de le gaspiller? Pourquoi ne réagit-on pas face à ce sentiment désagréable que tout fuit, à une vitesse vertigineuse, proche de celle de la lumière ? Pourquoi a-t-on l’impression qu’on n’a même plus le temps de dire ouf. Et si nous apprenions à accueillir chaque jour comme si c’était le dernier ?
“Prendre le temps de prendre le temps”?
Pourquoi ne pas sortir de notre course infinie, effrénée, juste pour contempler, observer, s’observer, aimer, s’aimer, apprécier… pour prendre le temps de s’étonner du monde, et même, pourquoi pas, de s’ennuyer un peu ? La science nous montre à quel point l’ennui est un terrain fertile pour l’imagination, la création. Il permet de libérer de la place dans l’esprit, laissant de l’espace pour d’autres choses. Et si, au lieu de se prendre tellement au sérieux qu’on en perd notre sens de l’humour, du dialogue, de la rencontre, de l’amitié, de l’amour, on s’offrait le temps d’être tout entier à sa vie.
“Mais non tu comprends, j’ai pas le temps pour prendre un café avec toi, je cours dans tous les sens...”
Si on s’accordait du temps de qualité pour entretenir de vrais relations, avec les autres avec soi-même, avec notre environnement ?
“Avec le temps va tout s’en va”
Pas le temps, vraiment ? Et tout ce temps qu’on passe sur fb et instagram à entretenir l’éphémère, à faire défiler la vie “si cool” des autres, pendant qu’on laisse filer la nôtre en se plaignant de manquer de temps... Bon, oui, la critique est facile, mais n’est-on pas nombreux dans le même panier ?
Si on s’occupait des choses qui comptent pour nous ?
On vous y invitait déjà, il y a quelques semaines : il est temps de faire ce qui est important.
“Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi même.”
Cette phrase de Nietzsche, empruntée à Pindare, philosophe de l’Antiquité, nous invite à être créateur de notre existence, à nous réaliser pleinement. Et cela commence peut-être par prendre un temps pour clarifier ce qui nous importe, pour développer notre vigilance afin de ne plus négliger le temps qui passe, la vie qui file entre nos doigts, sans même qu’on en ait la sensation. La vie est un cadeau précieux. Chaque minute compte. Arrêtez-vous maintenant et posez-vous cette question : comment utiliser au mieux les 60 secondes qui commencent maintenant ? Avec toujours autant d’enthousiasme,
Victoria
Source image : Greg Rakozy - Unsplash